
Avec Une saison de colère Sébastien Vidal met un terme à son « cycle des saisons » aux éditions Le Mot et le Reste entamé par Ça restera comme une lumière poursuivi avec Où reposent nos ombres et De neige et de vent (prix Landerneau Polar 2024).
« De nos jours, à Lamonédat en Corrèze, cinq mille habitants. Le printemps s’annonce sur les bords de la Vézère. Deux événements bouleversent la quiétude de la bourgade. À l’usine VentureMétal, la grève générale a été votée pour lutter contre une délocalisation en Roumanie. En outre, un projet porté par le maire a fuité et fait scandale. Il vise à dynamiser le territoire mais il implique de raser la forêt municipale. Surnommée la Coulée verte, celle-ci est très appréciée des habitants qui, pour la défendre, se mobilisent et créent une ZAD. Dès lors, le climat se dégrade à Lamonédat et les clans se forment, opposant les pro aux anti. C’est dans ce contexte, que les chemins de Julius, un ancien gendarme démissionnaire, de Grégor, le porte-parole des ouvriers, d’Alba, une jeune ouvrière, de Jolène, une tueuse à gage en perdition et de Jarod, un zadiste surnommé l’Écureuil, vont se croiser. Tous sont alors en prise avec des sentiments contradictoires – peur, indignation, dépit, espoir – qui les mèneront pourtant ensemble à la révolte. »
Une saison de colère, c’est avant tout un roman noir social dans la France périphérique, poumon de la nation peu médiatisé, un roman de lutte pour le respect d’hommes et femmes bafoués, humiliés. Une délocalisation en Roumanie, la mondialisation dans toute son horreur… 400 emplois sur le carreau, 400 familles flinguées, une ville poignardée, les services de l’état vont se barrer, les classes vont fermer, des commerces vont baisser le rideau, le chômage… et ce sentiment d’injustice qu’il faut flatter pour ne pas sombrer dans la noirceur d’une vie qui semble s’arrêter, d’une existence qui mène toujours à l’échec. La colère gronde et elle sera libératrice.
« Ils étaient chez eux, ils vivaient ici, ils y avaient leurs souvenirs, beaucoup y avaient des racines, et toutes et tous éprouvaient au fond d’eux _ et c’était un sentiment émouvant_ que c’était ce territoire qui allait leur enseigner ce que cela faisait de se battre pour une juste cause. »
Une saison de colère, c’est aussi un polar. Parallèlement au conflit se glisse une magouille de certains édiles avides du fric de l’industrie du tourisme qui vendent leur âme au diable et tout cela finira dans le sang et dans une investigation policière.
Mais Une saison de colère, c’est aussi une grande tranche réjouissante d’Americana, Sébastien Vidal déplaçant la Corrèze dans l’Amérique rurale de James Lee Burke ou Larry Brown qui l’inspirent depuis toujours, au son d’une Amérique ouvrière chantée par Bruce Springsteen.
Et enfin, Une saison de colère est une belle leçon d’humanité. Julius, son personnage (son clone littéraire ?) et d’autres tentent d’apaiser les brûlures, d’aider. Sébastien Vidal, souvent, tente de désamorcer toute cette noirceur. Par une utopie de convergences des luttes, par une description forestière ou un moment plus contemplatif, il tente d’enrayer les spirales de la violence et de la douleur et comme sa plume est belle, le lecteur suit ces petits enchantements, ces instants de solidarité. Des petits moments qui font toute la beauté du roman, qui l’éclairent.
« La solidarité, ce mot épuisé par tant d’usages, allait être mis en pratique. »
C’est un beau roman, c’est une triste histoire.
Clete.
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